Loi Biodiversité : les principales mesure

Le Parlement a adopté définitivement mercredi 20 Juillet le projet de loi de « reconquête de la biodiversité et des paysages », après plus de deux ans d’un parcours législatif chahuté.

Ce projet de Loi vise à rétablir,  avec la nature, des relations non seulement harmonieuses mais fructueuses, bonnes pour la santé, bonnes pour l’innovation et bonnes pour l’emploi.

 Parmi les avancées significatives, l’inscription de nouveaux principes dans le code de l’environnement :

  • non-régression du droit de l’environnement,
  • solidarité écologique,
  • objectif de zéro perte nette de biodiversité
  • inscription de la réparation du préjudice écologique dans le code civil.

 Remarque : Le groupe LR, dénonçant « une écologie punitive », a annoncé son intention de saisir le Conseil constitutionnel. En attendant la décision des sages, voici les principales mesures du projet de loi.

Les mesures phares

Agence de la biodiversité

L’une des mesures phares est la création d’une Agence française de la biodiversité (AFB).

Cet établissement public à caractère administratif, qui devrait voir le jour au 1er janvier 2017, regroupera 1 200 agents de quatre organismes existants : l’Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques (Onema), l’Atelier technique des espaces naturels, l’Agence des aires marines protégées et les Parcs nationaux.

L’AFB devra œuvrer en faveur d’une meilleure préservation des espaces naturels, de leur faune et de leur flore, et d’une action plus concertée des services de l’État. Il sera l’interlocuteur des élus et des entreprises dans les projets d’infrastructure. Ce sera le deuxième grand opérateur de l’État en matière d’environnement avec l’Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (Ademe).

Ses grandes missions :

  • la préservation, la gestion et la restauration de la biodiversité,
  • le développement des connaissances, ressources, usages, services écosystémiques attachés à la biodiversité,
  • la gestion équilibrée et durable des eaux,
  • l’appui scientifique, technique et financier à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation des politiques de l’État et des collectivités territoriales et de leurs groupements,
  • la contribution au développement des filières économiques de la biodiversité,
  • le soutien aux  filières de la croissance verte et bleue dans le domaine de la biodiversité, en particulier le génie écologique et le biomimétisme,
  • la lutte contre la biopiraterie,
  • la police de l’environnement, administrative et judiciaire.

Préjudice et solidarité écologique

Inscription du préjudice écologique dans le Code civil, dans le sillage de la jurisprudence née de la catastrophe due au naufrage du pétrolier Erika de Total en 1999 au large de la Bretagne.

Ce préjudice écologique reprend l’idée d’une remise en état du milieu dégradé par celui qui en est jugé responsable, selon le principe du « pollueur-payeur ». Si une telle réparation en nature est impossible, des dommages et intérêts pourront être versés dans certains cas. Le délai de prescription sera de dix ans, à compter du jour où le titulaire de l’action a connu ou aurait dû connaître la manifestation du préjudice.

La loi inscrit aussi plusieurs principes dans le code de l’environnement, comme celui de « non-régression de la protection de l’environnement » ou celui « d’absence de perte nette de biodiversité » qui assignera aux mesures de compensation des atteintes à l’environnement une obligation de résultats.

Elle introduit également le principe de « solidarité écologique » qui appelle à prendre en compte dans les prises de décision publique les interactions des écosystèmes, des êtres vivants et des milieux naturels.

La loi ouvre ainsi la possibilité d’inscrire dans les documents d’urbanisme des espaces de continuité écologique.

Diverses mesures complementaires

néonicotinoïdes

La loi complète la lutte contre les pesticides nocifs aux pollinisateurs, à la nature et à la santé humaine. Elle interdit l’utilisation générale des pesticides contenant des néonicotinoides à compter du 1er septembre 2018 avec une possibilité de dérogations jusqu’au 1er juillet 2020.

Protocole de Nagoya

La loi permet la ratification du protocole de Nagoya, qui encadre l’accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées, ainsi que le partage des avantages (APA : Accès et Partage des Avantages) qui en découlent.

La loi interdit le brevetage des « produits issus des procédés essentiellement biologiques » pour lever le frein à l’innovation provoqué par la multiplication des dépôts de brevets sur le vivant (brevetabilité du vivant).

Le texte voté contient également des dispositions qui facilitent les échanges de semences.

Échange de semences

La loi sur la biodiversité étend l’échange de semences entre agriculteurs sans qu’il soit nécessaire d’être membre d’un groupement d’intérêt économique et environnemental (GIEE).

Il s’agit d’échange non commercial de semences. Cette proposition ne fait pas concurrence à la vente de semences. Elle ne concerne que des semences non brevetées. Ainsi, le libre échange des semences ne conduira pas à déconsidérer le travail des semenciers et à nuire au commerce extérieur.

Ces dispositions contribuent à accroître le libre accès aux semences dites traditionnelles non soumises à des droits de propriété, à faciliter leur diffusion et à maintenir ainsi la biodiversité cultivée.

Concrètement, les règles qui s’appliquent à ces échanges, hors GIEE, sont les mêmes que celles qui concernent la production et l’utilisation des semences dans une même exploitation : cela concerne les règles sanitaires, de biosécurité (OGM) ou de propriété intellectuelle, mais pas l’obligation d’enregistrement de la variété au catalogue.

Une autre disposition vise à faciliter la vente ou le don de semences à des particuliers. En France, les produits destinés à une clientèle non professionnelle sont généralement assimilés, par l’administration et le Groupement national interprofessionnel des semences (GNIS), aux produits destinés à une clientèle professionnelle et sont donc soumis aux mêmes contraintes. La disposition votée prévoit que « la vente, la détention en vue de la vente, l’offre de vente et toute cession, toute fourniture ou tout transfert, à titre gratuit ou onéreux, de semences ou de matériels de reproduction des végétaux d’espèces cultivées destinés à des utilisateurs non professionnels ne visant pas une exploitation commerciale de la variété ne sont pas soumis à autorisation préalable ».

« Sont concernées en particulier les variétés anciennes du domaine public, qui sont généralement destinées à des non-professionnels mais qui ne remplissent pas le critère d’homogénéité génétique requis pour inscrire les variétés commerciales au Catalogue officiel. Ces variétés sont, pour la plupart, interdites à la vente ».

Favoriser la connaissance

La loi prévoit que les données issues des études d’impact seront versées dans l’inventaire du patrimoine naturel. La loi reconnaît les atlas du paysage et la fixation d’objectifs de qualité paysagère.

Protéger la biodiversité dans les choix publics et privés

La loi inscrit la stratégie nationale pour la biodiversité dans le code de l’environnement. Elle permet aux particuliers de contractualiser des obligations réelles environnementales. Elle renforce la prise en compte de la biodiversité dans les collectivités locales dans les plans climat-énergie, elle renforce la portée des schémas régionaux de cohérence écologique.

Intégrer la dimension environnementale dans l’urbanisation commerciale

La loi introduit de nouvelles dispositions applicables comme la végétalisation de toitures, l’installation de production d’énergie renouvelable, la lutte contre l’artificialisation des sols dans les aires de parkings.

Création de zones prioritaires pour la biodiversité

La loi sur la biodiversité prévoit d’instaurer des zones soumises à contraintes environnementales (ZSCE) où il est nécessaire de maintenir ou de restaurer des habitats naturels des espèces sauvages au bord de l’extinction en France.

Il n’existait, jusqu’alors, pas d’outil en droit français pour restaurer un habitat dégradé d’une espèce faisant l’objet d’une protection stricte au titre du L. 411-1 du code de l’environnement en créant des obligations de faire. En effet, les outils classiquement utilisés (arrêté de protection de biotope par exemple) ne peuvent prévoir que des interdictions de faire. Or pour des cas limités d’espèces, notamment au regard de la directive 92/43/CEE dite Directive Habitats Faune Flore, la restauration de leur état de conservation défavorable pourrait nécessiter d’imposer des obligations de faire.

Il s’agit de mettre en place un nouvel outil plus protecteur reposant sur un zonage d’application et sur un programme d’actions en faveur de l’espèce concernée et de la maîtrise de son habitat.

Protection des espèces en danger

La loi va renforcer les plans nationaux d’actions pour préserver et protéger avant le 1er janvier 2020 les espèces endémiques en danger. Elle va renforcer les sanctions pénales pour lutter contre le trafic des espèces menacées.

Protection de la biodiversité marine

La loi renforce la protection de la biodiversité marine, en permettant la création de la 5ème plus grande réserve marine du monde dans les eaux des Terres Australes Françaises et des zones de conservation halieutique pour une gestion durable de la faune et de la flore marine.

La loi permet la mise en place des dispositifs anticollision sur les navires battant pavillon français, naviguant dans les sanctuaires AGOA et PELAGOS, pour protéger les cétacés.

Elle complète les dispositifs actuels, avec la généralisation des plans de paysage, les atlas et le soutien à la reconnaissance des paysagistes.

Obligations réelles environnementales

Ce mécanisme permet à un propriétaire de mettre en place des mesures de protection de l’environnement pérennes grâce à un contrat passé avec une personne morale garante d’un intérêt environnemental.

Protection des alignements d’arbres

Le texte voté prévoit d’interdire l’abattage ou la modification radicale de l’aspect des arbres d’une allée ou d’un alignement sauf s’ils présentent un danger pour la sécurité des personnes, des biens et des autres arbres, ou que l’esthétique de la composition ne peut plus être assurée et que la préservation de la biodiversité peut être assurée par d’autres mesures.

Il renforce la protection des allées et alignements d’arbres, reconnus comme patrimoine culturel, source d’aménités et enjeu de préservation de la biodiversité

La biodiversité, un levier de développement économique

Au même titre que la loi sur la transition énergétique, cette loi de reconquête de la biodiversité vise à envoyer un signal de mobilisation à nos territoires, à nos entreprises, à nos collectivités pour les associer, au travers d’outils rénovés à se mobiliser pour des stratégies locales adaptées.

Définitions importantes

Non-régression du droit de l’environnement

Le principe de non régression en droit de l’environnement garantit la pérennité et le non retour en arrière dans les politiques publiques de l’environnement. C’est un obstacle à la dégradation de l’environnement. Il répond à un besoin juridique.

Le devoir de non régression est une exigence d’équité environnementale au profit des générations futures.

Il rend effectif le droit à l’environnement : droit intangible lié au plus intangible des droits: le droit à la vie

Il permet de rendre effectifs les principes de Rio (1992).

Il énonce une exigence éthique et morale d’un progrès continu pour un meilleur environnement : moins de pollutions et plus de biodiversité.

Zones prioritaires pour la biodiversité

Le Zones prioritaires pour la biodiversité permettent, si nécessaire, de rendre obligatoires certaines pratiques agricoles nécessaires pour la conservation d’une espèce sauvage en voie d’extinction, via des contrats rémunérés.

Solidarité écologique

La solidarité écologique est un concept reposant sur la prise de conscience de l’interdépendance des êtres vivants entre eux et avec leurs milieux.

La solidarité écologique est donc l’étroite interdépendance des êtres vivants, entre eux et avec les milieux naturels ou aménagés de deux espaces géographiques contigus ou non. On distingue:

  • La solidarité écologique de fait qui souligne la « communauté de destin » entre l’homme, la société et son environnement en intégrant d’une part, la variabilité, la complémentarité et la mobilité de la diversité du vivant et des processus écologiques dans l’espace et le temps et d’autre part, la coévolution des sociétés humaines et de la nature au travers des usages de l’espace et des ressources naturelles.
  • La solidarité écologique d’action qui se fonde sur la reconnaissance par les habitants, les usagers et les visiteurs qu’ils font partie de la communauté du vivant et qui traduit leur volonté de « vivre ensemble » avec les autres êtres vivants, au sein des espaces dans lesquels ils interviennent, jugeant de leurs actions ou non action selon leurs conséquences sur les composantes de cette communauté.

Objectif de zéro perte nette de biodiversité

L’initiative « Aucune perte nette de biodiversité » trouve son fondement principal dans l’action 7b au soutien de l’objectif 2 de la stratégie de l’Union européenne à l’horizon 2020 en matière de biodiversité.

Elle est également mentionnée au § 4 de la « Feuille de route pour une Europe efficace dans l’utilisation des ressources » [COM (2011) 571 final], qui demande notamment que, d’ici à cette date, « le capital naturel et les services écosystémiques seront correctement valorisés et pris en compte par les pouvoirs publics et les entreprises. »

Le concept de zéro perte nette de biodiversité désigne le point où les gains générés par des mesures compensatoires deviennent équivalents aux pertes dues aux impacts résiduels d’un projet. Ainsi, s’il y a bien destruction de certains éléments de biodiversité, les mesures compensatoires sont censées permettre de les rétribuer.

Inscription de la réparation du préjudice écologique dans le code civil

Ce préjudice écologique reprend l’idée d’une remise en état du milieu dégradé par celui qui en est jugé responsable, selon le principe du « pollueur-payeur ». Les actions en réparation seraient ouvertes à l’État, au ministère public, à l’Agence française pour la biodiversité, aux collectivités territoriales et à leurs groupements ainsi qu’à toute personne ayant qualité et intérêt à agir.

La réparation s’effectuerait par priorité en nature. « En cas d’impossibilité, de droit ou de fait, ou d’insuffisance des mesures de réparation », des dommages et intérêts pourraient être versés au demandeur qui les affecterait prioritairement à la réparation de l’environnement, et subsidiairement à la protection de l’environnement, en vertu des amendements votés dans l’hémicycle.

Le délai de prescription de l’action en responsabilité est fixé à dix ans, à compter du jour où « le titulaire de l’action a connu ou aurait dû connaître la manifestation du dommage environnemental», sans pouvoir dépasser cinquante ans.

Néonicotinoïdes

Les néonicotinoïdes sont une classe de produits toxiques employée comme insecticides agissant sur le système nerveux central des insectes.

Ces substances sont utilisées principalement en agriculture pour la protection des plantes (produits phytosanitaires) mais aussi par les particuliers ou les entreprises pour lutter contre les insectes nuisibles à la santé humaine et animale (produits biocides).

Leur faible biodégradabilité, leur effet toxique persistant et leur diffusion dans la nature (migration dans le sol et les nappes phréatiques) commencent au bout de vingt ans à poser d’important problèmes d’atteintes à des espèces vivantes qui n’étaient pas ciblées : insectes (abeilles, papillons,..), de prédateurs d’insectes (oiseaux, souris, taupes, mulots, chauve-souris), d’agents fertilisants des sols (vers de terre).

De nombreux apiculteurs mettent en cause ces molécules pour expliquer le syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles ou Colony Collapse Disorder (CCD).

La Commission Européenne a suspendu 3 néonicotinoides en 2013 sur la base des travaux de l’EFSA.

Plusieurs études scientifiques ont mis en évidence la toxicité de ces insecticides sur les abeilles et bourdons, en laboratoire et lors de tests en conditions contrôlées. Ces observations sont difficiles à confirmer par les travaux de terrain, ce qui alimente une discussion scientifique.

Plus généralement, il est considéré que « l’exposition chronique à ces insecticides largement utilisés pourrait affecter les abeilles et de nombreux autres invertébrés ».

Alignement d’arbres

Charles V fit planter des ormes dès le XIVe siècle, Henri IV et Sully, puis Louis XIV avec Le Nôtre et Colbert firent de même. On disait du préfet Rambuteau, en 1848, qu’il aurait préféré se faire arracher une dent que de voir arracher un arbre. Empire, Restauration, République ont conjugué leurs efforts ; en 1895, on comptait 3 millions d’arbres le long des 35 000 km de routes.

Brevetabilité du vivant

Les questions de propriété intellectuelle sont apparues avec le développement des biotechnologies, afin de rémunérer les investissements en R&D.

Un amendement étend l’exclusion de la brevetabilité des procédés essentiellement biologiques, pour l’obtention des végétaux et des animaux, à leurs parties et composantes génétiques. Les techniques génétiques récentes permettent de contourner cette interdiction, comme en témoigne la pratique de l’Office européen des brevets (OEB).

Exemple : les laitues résistantes aux pucerons obtenus par un procédé de sélection classique, utilisées par des agriculteurs qui se sont vu soudain réclamer des redevances par une firme néerlandaise qui a repéré le même gène dans une laitue sauvage.

Ces brevets sur les traits natifs résultent des progrès récents des outils de séquençage génétique qui n’existaient pas lorsque l’actuel code de la propriété intellectuelle a été rédigé

L’Office européen des brevets a pris des décisions contestables, validant des brevets portant sur des plants de brocolis ou de tomates porteurs de traits natifs qui facilitent leur récolte. Cela fait porter un risque de concentration du secteur.

Protocole de Nagoya

Adopté à Nagoya après huit ans d’âpres négociations, le protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation a pour vocation de mettre en œuvre le troisième objectif de la Convention sur la biodiversité biologique (CBD) adoptée à Rio en 1992. « Pivot de la relation entre pays du Nord et du Sud au sein de la CDB, il doit notamment contribuer à mettre fin au pillage des ressources génétiques (biopiraterie) tout en garantissant un accès juridiquement sécurisé́ aux acteurs publics et privés de leur exploitation », exposait Claudio Chiarolla de l’IDDRI quelques jours avant la COP 11.

La loi autorise donc la ratification du Protocole de Nagoya qui règlemente l’accès aux ressources génétiques naturelles et le partage de leur utilisation. La France se donne ainsi les moyens d’innover sans piller et concrétise un engagement international pris il y a 25 ans lors du Sommet de la Terre à Rio.

 

Sources

Site de l’Agence Française de la Biodiversité : http://agence-francaise-biodiversite.fr

Ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer : http://www.developpement-durable.gouv.fr/

Site de l’Assemblée nationale : http://www.assemblee-nationale.fr

Site du Senat : http://www.senat.fr

Actu Environnement : http://www.actu-environnement.com

Reporterre.net, le quotidien de l’écologie : https://reporterre.net

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